Mohamed Amer Meziane est enseignant et chercheur post-doctoral à l’Université Columbia de New York. Il est philosophe et historien des idées. Ses objets d’études sont la philosophie contemporaine, l’anthropologie de la religion et l’histoire impériale en Afrique. Il prépare actuellement un ouvrage aux éditions de La Découverte.
Traditions et insurrections
Les modernes ont dit de l’homme qu’il devait maîtriser la nature. Mais ils ont aussi dit qu’il avait besoin du sacré. Sur quoi reposent ces deux certitudes ? Sur une science de l’homme ou sur des croyances purement occidentales ? Ce n’est pas seulement la croyance en la liberté, la démocratie ou les droits de l’Homme qu’il s’agira de questionner durant ce dialogue : c’est aussi le concept d’humanité et le projet d’une étude des différences culturelles qui en résulte. En étudiant la diversité des cultures, les modernes semblent avoir voulu transformer les traditions. Ces traditions, ils les disent cruelles, archaïques et religieuses : à l’image du sacrifice. Les réformersemble encore faire partie d’une volonté de libération du monde. La critique de l’Occident colonial pose une question clef qui est liée à la légitimité de l’anthropologie. Si cette science est contestée, doit-on refuser de tenir tout discours sur des traditions non-occidentales considérées comme « religieuses », « violentes » ou « réactionnaires » dans le monde moderne ? Faut-il réellement voir dans la critique de la modernité impériale une menace de la démocratie et des droits fondamentaux, des hommes comme des femmes ? Suffit-il vraiment de refonder un projet d’émancipation radical et enfin débarrassé de l’impérialisme, d’appeler à la décolonisation du monde ?
L’article issu de la communication a été publié dans le numéro 72 de la Revue Multitudes : Mohamed Amer Meziane, « Justice et traditions », Multitudes, n°72, 2018, p. 132-145.