Pauline Nadrigny est philosophe, spécialisée en esthétique et maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (PhiCo/CEPA), membre du LIA CRNR (Centre de recherche franco-allemand sur les nouveaux réalismes). Ses recherches portent sur les musiques contemporaines et expérimentales, abordées sous divers aspects : relation entre pensée musicale et philosophie, mutations de l’écoute et de ses pratiques, paysage sonore et écologie acoustique.
Réalismes sonores
“L’idée d’un monde sonore qui se livrerait au compositeur et à l’auditeur se retrouve dans un nombre considérable d’expressions au XXe siècle : chez Charles Ives, qui pense un point d’écoute auprès d’un lac pour entendre les réverbérations du son sur la surface des eaux, chez Varèse et son appel à une exploration illimitée du territoire des sons, chez Cage et son invitation à ouvrir les fenêtres sur l’avenue new-yorkaise et à faire place, par notre écoute et nos pratiques, au son de la pluie sur le toit de la salle de concert, dans le courant du deep listening qui sillonne les lieux résonnants de notre planète, chez les praticiens et théoriciens du field recording, dans la noise et son désir d’une appréhension énergétique et physiologique de l’expérience musicale… Tous ces exemples sont extrêmement hétérogènes, ils se fondent sur des dispositifs musicaux variés, des organologies, des esthétiques diverses. Mais ils présentent un trait commun : l’idée que la musique pourrait donner accès à ce que Carl Dahlhaus appelle, de manière critique, la « nature véritable » du sonore, et dont l’expérience se pense comme une ouverture perceptive aux sons naturels et quotidiens, saisis dans leur caractère concret, banal, mais aussi mystérieux ou essentiellement vibratoire. Désir de retour aux structures fondamentales du matériau, à l’élémentaire, désir de retour à un stade infra objectif de la composition et de la perception musicale, stade énergétique, sauvage, où se dissolvent les structures musicales héritées ou possibles.”
Conférence, 20 min