Judith Revel est professeure de philosophie contemporaine à l’université Paris Nanterre (laboratoire Sophiapol, EA3932). Membre du Centre Michel Foucault, co-présidente du comité scientifique du Collège International de Philosophie, elle est spécialiste de la pensée contemporaine française. Ses travaux portent en particulier sur la manière dont, après 1945, une certaine pratique de la philosophie a tenté de problématiser, au croisement de la réflexion politique, de l’historiographie et de l’esthétique, simultanément sa propre situation historique et la possibilité d’intervenir au cœur du présent. Elle dirige par ailleurs deux projets de recherche collectifs consacrés aux archives, « Discipliner l’archive ? » (au sein du LabEx « Les passés dans le présent », université Paris Nanterre), et « Archives du genre et genre de l’archive » (pour la COMUE Paris Lumières – Paris Nanterre/Paris 8/BDIC/Archives Nationales/BnF).
Dernier ouvrage paru : Foucault avec Merleau-Ponty. Ontologie politique, présentisme et histoire, Paris, Vrin, coll. « Philosophie du présent », 2015.
Quand la nostalgie est aveugle au monde. Pasolini et la bataille de Valle Giulia
Le 1er mars 1968 à Valle Giulia, la faculté d’architecture de l’université de Rome, des étudiants et des policiers s’affrontent très durement. Quelques semaines plus tard, le 16 juin 1968, Pier Paolo Pasolini écrit un long poème, “Il Pci ai giovani” (“Le parti communiste italien aux jeunes”) dans lequel il affirme être du côté côtés des policiers, qu’il considère comme les véritables fils du prolétariat, et non pas du côté des étudiants, qui sont pour lui les rejetons de la bourgeoisie aisée. La polémique à l’égard des événements de mai et de la nouvelle subjectivité politique qui y émerge ne cessera dès lors d’être relancée par Pasolini. Que dit cette incapacité à cueillir ce que d’autres ont immédiatement saisi comme une “prise de parole” inédite (Certeau) ou une “brèche” (Lefort, Morin, Castoriadis ? Et quelle nostalgie d’un monde encore vivant mais déjà ancien – un monde où les prolétaires défilaient le 1er mai, travaillaient en usine, avaient les mains calleuses et étaient inscrits au Parti – rend-elle le poète aveugle face aux transformations qui l’entourent ?