Charles-Ramond

Charles Ramond est Professeur des Universités au Département de philosophie de l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, où il anime le Séminaire Spinoza à Paris 8. Dernières publications : Spinoza Contemporain –Philosophie, Éthique, Politique, Préface de Alain Séguy-Duclot, Paris : L’Harmattan (« La philosophie en commun »), 2016, 491 p ; Dictionnaire Derrida, Paris : Ellipses, 2016, 254 p. ; Sentiment d’Injustice et Chanson Populaire (avec Jeanne Proust), Sampzon : éditions Delatour France, 2017, 253 p. ; Derrida –Une philosophie de l’écriture, Paris : Ellipses (Collection « Aimer les philosophes »), 2018, 220 p.


 

Préférence et justification. Pour une séparation – spinoziste ? – de la politique et de la morale 

Les « valeurs » que nous respectons (comme par exemple « liberté / égalité / fraternité ») sont souvent considérées comme la « justification » profonde de l’action individuelle ou publique, et constituent une sorte de « ligne rouge », de limite à ne pas franchir, une transcendance que même le vote ne devrait pas pouvoir remettre en question. C’est pourquoi sans doute la « justification » conserve une telle importance dans nos sociétés et nos pensées, à tel point qu’il nous est devenu difficile, pour ne pas dire honteux, d’agir ou de penser sans « justifications ». Cependant, qu’elle se fasse par référence à des valeurs morales ou par rapport à des délibérations rationnelles, cette valorisation constante de la « justification », dans nos démocraties délibératives et morales ne peut se développer qu’à condition de soigneusement masquer l’autre pôle, l’autre pilier, de ces mêmes démocraties : à savoir le fait que le vote y est par définition injustifiéet préférentiel. Dans l’isoloir, nous exprimons une « préférence », justifiée ou non. Et la souveraineté comme la loi proviennent de ces préférences. J’essaierai de montrer que la philosophie de Spinoza peut offrir une ressource philosophique pour une réhabilitation de la « préférence » par rapport à la « justification », et pour nous aider à faire ainsi un progrès dans la séparation (non encore achevée) de la politique et de la morale comme jadis de la théologie et de la politique, puis des Églises et de l’État.

Conférence, 20 min