Anwar Moghith est professeur de philosophie à l’université de Helwan au Caire, en Egypte et directeur du Centre National de la Traduction (CNT). Lauréat du Prix Ibn Khaldoun-Senghor 2017 pour son travail de traducteur du français en arabe.
L’universalité du discours philosophique : des nouvelles missions
La philosophie est un discours sur le monde et les hommes, adressé à l’homme en général. C’est ainsi que qu’Al-Kindi au IX siècle nous informe que la quête de vérité est commune à tous les peuples et aucune nation ne la possède. René Descartes dit en latin :scribio etiam turkis, pour montrer la validité du discours philosophique à toutes les nations. Les philosophes ont souligné de mille manières l’universalité de la philosophie, c’est – à – dire sa capacité de transcender les particularités culturelles et les spécifiés régionales. Néanmoins la philosophie est toujours écrite dans une langue particulière ; une langue marquée par un héritage culturel national. La philosophie porte toujours les marques de son milieu culturel natif et en même temps exprime sa visée universelle. L’universalité concerne les soucis et la particularité concerne l’expression. La traduction est donc nécessaire pour mettre en acte cette universalité. Dans les siècles passés les peuples étaient toujours préoccupés des problèmes nationaux et qui pouvaient trouver des solutions efficaces dans un cadre national. Dans ces conditions les philosophes ont réussi à contribuer trouver ces solutions nationales tout en maintenant l’aspect universel de leur discours. Actuellement l’humanité fait face à un nouveau type des problèmes, voire même des crises : la menace écologique, la croissance démographique, l’immigration, les armes nucléaires, les avancées médicales, etc. Ce type de problèmes ne pourra jamais trouver une solution efficace dans un cadre national et aucune culture particulière ne pourra prétendre trouver seule l’issue de ces embarras. Toutes les cultures sont invitées à participer ; à s’intéresser à l’homme et à s’adresser à l’homme. Voilà un nouveau défi auquel la philosophie doit faire face et qui passe forcément par l’universalité de son discours. A l’évidence, ces nouveaux problèmes, ne pouvant pas être résolus par une intervention uniquement technologique, il leur faut aussi de la sagesse. Bien entendue, toute culture peut toujours puiser dans ses ressources spirituelles pour suggérer le salut, mais pour assurer la communication universelle il faut que le discours philosophique soit séculaire. La sécularité du discours devient, aujourd’hui plus que jamais, le garant de l’universalité de la philosophie.
Conférence, 20 min