Orazio Irrera est maître de conférence en Philosophie à l’Université de Paris 8, membre du Laboratoire d’études et de recherches sur les Logiques Contemporaines de la Philosophie(LLCP, EA 4008) et directeur de programme au Collège international de philosophie. Spécialiste de la pensée de Michel Foucault, il est membre du Centre Foucault et du Comité éditorial de la série « Cours et travaux de Michel Foucault avant le Collège de France » chez Seuil/Gallimard. Ses intérêts de recherches portent également sur les théories de l’idéologie et sur les études postcoloniales, décoloniales et subalternes, comme le témoigne le séminaire « Épistémologies subalternes et critique postcoloniale » qu’il anime depuis plusieurs années au Collège international de philosophie. Parmi ses derniers travaux, la codirection de l’ouvrage La pensée politique de Foucault(Paris, Kimé, 2017) et du numéro spécial de la revue Raisons Politiquesconsacré aux « Prises de parole : l’indocilité des discours subalternes » (n. 68, nov. 2017).
La raison nègre et le corps d’extraction
L’effort d’arracher la philosophie à une géographie qui, aujourd’hui encore, lui fait confondre les limites de son « territoire » avec les frontières, réelles ou fantasmées, de l’Occident implique un déplacement de la philosophie elle-même, dont la portée et les conséquences qui reste encore largement à penser. En d’autres termes, il s’agit de déplacer la philosophie dans un cadre plus large à l’intérieur duquel il faut redéfinir son entreprise critique par un double geste : d’une part en questionnant les conditions historiques et géographiques de possibilité de la connaissance, et de l’autre, en lui redonnant pour tâche de fournir un diagnostic du présent global, lequel se caractérise par une superposition de temps et d’espaces hétérogènes encore fortement imprégnés par l’expérience de la domination coloniale. C’est dans ce nouveau site, matériel et matérialiste, d’inscription que la philosophie est à présent appelée à se confronter avec son cœur de ténèbres, ce qui a été récemment désigné comme la « raison nègre », et à mettre ainsi en lumière la complexe généalogie de ce qui charpente et hante encore notre modernité, à savoir le lien de sujétion raciale s’épinglant sur un corps d’extraction.
Conférence, 20 min